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Chers Amis,

Les occasions de rire ne sont pas toujours nombreuses. Les occasions d’être ensemble, de regarder dans une même direction, de laisser de côté les tracas de l’existence quelques instants.

Au village il y a un événement qui fait l’unanimité. Du jeune coiffeur et sa coupe improbable, au paysan en bleu de travail, en passant par nos visiteurs de passage : tout le monde rit devant un spectacle de Huangmeixi.

Le Huangmeixi est un mélange de théâtre et d’opéra originaire de l’Anhui. Parfois l’histoire est grave, mais la plupart du temps il s’agit d’une farce se déroulant sous une dynastie quelconque. On y rit de bon coeur et c’est par centaines qu’on se presse à chaque représentation. Certains parcourent plus de cent kilomètres pour y assister.

L’estrade est fragile, une bâche de chantier protège la scène. D’énormes spots font transpirer les acteurs qui ont choisi cette vie chiche et à part, si éloignée des préoccupations matérielles de leurs contemporains.


Un acteur pas encore costumé.
Photo d’Anita Vaisman, 2008

Ca y est, c’est son tour ! L’actrice laisse son bébé pour faire sa tirade. Mouvement de sourcils, effet de scène, la voix portée vers les montagnes. Une fois terminée, elle retourne auprès de lui et le berce en mangeant des graines de tournesol.

Dans la coulisse opposée, les musiciens interprètent avec des instruments poussiéreux les coups de gong accompagnant une chute, comme les douces mélodies des retrouvailles amoureuses.

Les visages de l’assistance sont levés vers ce qui se joue là, légèrement éclairés par une lumière indirecte. La plupart ont la bouche entrouverte et semble boire chaque réplique. Quand l’acteur lâche le bon mot, on se pousse du coude pour rire avec son voisin.

Cette représentation est particulière, elle est offerte à la population par le menuisier, le vitrier, et votre serviteur. Je leur dois bien ça pour m’avoir accepté toutes ces années auprès d’eux.

 

La scène

Quel sentiment étrange d’offrir le rire. A la cuisinière qui nous livre le repas, aux enfants qui me volent mes châtaignes, à ce bon vieux voisin qui m’invite souvent à dîner, à la marchande de thé, à mon pote le fabriquant de pinceaux, et puis à ce sacré Z. qui m’a fait un sale coup tantôt. Tous ensemble, on rigole !

Le lendemain on rejoue indéfiniment cette pièce pour rire encore et encore. Certains essayent de trouver un sens caché derrière l’ironie : et si ce mandarin bête comme ses pieds ne représentait pas le potentat local ?

Nos visiteurs, quant à eux, sont repartis avec des rêves nouveaux en tête, des rêves inattendus et plein de couleurs. Mais aussi le sentiment précieux d’avoir partagé un vrai morceau de vie avec leurs voisins d’un soir.

Julien

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Lettre d’information – automne 2011

novembre 20th, 2011 / Tags: , , , / categories: Vie paysanne /

 

Chers Amis,

Certains d’entre vous ont sûrement déjà croisé Monsieur Zha sur les rives de la petite rivière qui traverse le village. Monsieur Zha est très âgé, plus de 90 ans certainement. Personne ne connaît exactement son âge car les traces administratives de « l’autre Chine » (celle de plus de 60 ans) sont soit incomplètes, soit tout simplement manquantes.

Aujourd’hui paysan, il est issu d’une famille riche qui a visiblement tout perdu avec l’avènement du communisme. Son visage est marqué par toute l’histoire tumultueuse du village et son mutisme laisse deviner des secrets bien gardés. Car Monsieur Zha n’est pas commode. Il ne parle à personne, ne sourit à personne, se contentant de fumer sa cigarette devant sa porte mi-close face à la rivière.

Monsieur Zha est mort il y a trois jours. Ici, quand on meurt très âgé, c’est un événement heureux. Son fils, menuisier, prépara avec le petit fils les funérailles. On fit péter, comme toujours en de telles circonstances, des pétards et feux d’artifice afin de faire fuir l’esprit du défunt. On déboucha quelques bouteilles d’alcool, et les femmes préparèrent le repas qui s’annonçait délicieux.

 

Monsieur Zha

Photo d’Antonin Kennel © Tous droits réservés

C’est alors que Monsieur Zha a ouvert un oeil ! Puis les deux… Pour finalement demander une cigarette. Forcément cela coupa net l’élan de la fête qui se préparait. On semblait même deviner chez certains une petite déception de devoir renoncer ainsi à une si plaisante après-midi. Sans compter sur le fils qui, ayant déjà bu quelques verres, ne put s’empêcher de reprocher à son père ce faux départ très peu à propos.

Il paraît que ce matin notre vieux voisin a repris du poil de la bête, retrouvant assez de vitalité pour arborer à nouveau son regard réprobateur et sévère. C’est pas encore aujourd’hui qu’on enterrera Monsieur Zha !

Le temps des ancêtre du village,

star dans Marie-Claire Maison – 2011

Cette histoire rocambolesque aurait certainement beaucoup plu aux nombreux journalistes qui nous ont rendu visite en 2011.

Sur le plan médiatique l’année a, en effet, été exceptionnelle : le Nouvel Obs, Marie-Claire Maison, France-Inter, et même le New-York Times nous ont fait l’honneur de reportages détaillés sur la maison, le village, et ce que nous cherchons à y défendre.

Vous retrouverez la plupart de ces publications sur notre site internet ou la page facebook de la maison.

Bonne année du dragon à tous !

Julien