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Lettre d’information – hiver 2013

février 20th, 2013 / Tags: , , , , , / categories: Vie paysanne /
Chers Amis,

Il n’est pas rare, par ici, que lors d’obsèques on rigole franchement autour d’un verre. Que si un malheur s’abat sur un voisin, une connaissance ou même un ami, on préfère en rire pour conjurer le mauvais sort ou peut-être tout simplement dédramatiser.

Mais il y a un malheur plus grave que tout, plus grave que la mort. Un drame qui ne fait rire personne, assombrit les visages, et incite à une compassion générale : la perte de sa maison.


Alors que tout le monde se préparait pour le nouvel an chinois qui a lieu cette année le 10 février, Monsieur Zha était parti à la ville faire quelques emplettes. Un beau canard séché, des fruits secs, de la saucisse sucrée et une belle veste toute neuve pour bien commencer l’année. Monsieur Zha a la soixantaine rayonnante. L’homme est grand et robuste. Le cheveux grisonnant, la veste bleue d’un autre temps.
Aucun téléphone portable n’encombrant ses poches, il a été le dernier informé du malheur qui venait de s’abattre sur lui et les siens. En vue du village, des paysans l’avertirent que sa maison était en flammes. On le vit courir dans les ruelles, espérant pouvoir contenir l’incendie.

 
Des maisons de bois et de briques facilement la proie des flammes – Photo d’Anita Vaisman, 2003

Les enfants mis à part, personne ne court jamais par ici. Tout se fait au pas, même en colère on évite un effort inutile et on se contente le plus souvent d’élever la voix.

Les pompiers étaient déjà sur place. Des pompes placées dans la rivière irriguaient une lance peu efficace face à la rapidité du feu qui en quelques minutes anéantit cette demeure vieille de 400 ans. Le bois de ginkgo qui avait si bien résisté à la pluie, aux insectes, aux changements de dynasties, aux révoltes Taiping, aux saccages de la révolution culturelle, se volatilisait sous les yeux de tous en une fumée noire dans le ciel.

Monsieur Zha, me voyant passer, m’attrapât le bras. Son regard humide était tellement inattendu dans ce coin de Chine où seules les femmes pleurent. « C’est ma maison qui a brûlée ».

La pirolle à bec rouge est une voisine que
l’on croise souvent dans le jardin
au retour des beaux jours.

Un tas de tuiles noircies fuma plusieurs jours et chacun venait constater les dégâts chargé d’un présent pour la famille. Une couette en coton, des vêtements, un sac de riz,…

Cet événement révèle tout l’attachement que l’on a par ici pour son toit, pour la maison de ses ancêtres. Un lien s’est rompu pour laisser ses habitants dans le dépouillement le plus total. Mais la solidarité est là, et chacun veillera à ce que Monsieur Zha ne soit pas seul.

La vie continue à Chawu où les réservations se multiplient en vue d’un printemps que beaucoup attendent avec impatience. Déjà nous avons pris quelques déjeuners dans le jardin encore endormi, et déjà des oiseaux sont de retour.

Julien